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Interview - Karin Crona à visage découvert

Karin Crona, artiste aux multiples talents, collabore régulièrement aux créations de La Générale de Théâtre. En mai, elle a créé une série de masques pour Les ailes de l’amour, pièce écrite et mise en scène par Catherine Richon, interprétée par les ados du groupe Oxygène. Cette ré-écriture de Roméo et Juliette a été présentée le 22 mai au Théâtre de Ménilmontant. Catherine interroge Karin sur ses masques et leur fabrication.


Catherine Richon - Tu as fabriqué des masques pour mon spectacle Les ailes de l’amour, j’imagine que tu y as passé du temps...

Karin Crona - Oui, créer un masque demande beaucoup de temps car j’ai besoin de sentir les personnages. Ensuite, je me lance directement, sans réaliser d’esquisse, et du coup il m’arrive de rater et de devoir recommencer.


Peux-tu évaluer le temps qu’il te faut pour réaliser un masque ?

Je ne peux pas faire plus de trois masques par jours. Au-delà, j’arrive à un épuisement mental qui m’empêche de donner toute sa force au masque.


Pour Les ailes de l’amour, tu as réalisé 12 masques !

Oui, j’y ai passé plusieurs jours !


Quelle technique utilises-tu ?

Je prends du papier blanc assez épais, du papier à dessin tout simple, et je dessine à l’encre de chine avec des pinceaux de différentes tailles.


Et tu découpes ensuite les contours ?

Oui, je commence en général par dessiner les yeux puis le visage. Je trace ensuite une sorte de contour noir assez épais dans lequel je découpe pour donner la forme finale au masque. Il m’arrive de revenir ensuite ajouter quelques petits détails quand l’encre est sèche.


Dans Les ailes de l’amour nous avons utilisé tes masques plutôt comme des têtes marionnettiques : les comédiens les tenaient devant leur visage au moyen d’un petit bâtonnet. Ils pouvaient se déplacer facilement sans avoir besoin d’ouverture pour les yeux. Mais tu fabriques aussi des masques destinés à être portés directement sur le visage.

Oui. En fait, j’ai commencé tout ça un jour où je fêtais Noël avec des amis. Pour m’amuser, j’ai fabriqué des masques pour tout le monde, chacun avec une tête de Père-Noël différente : un vieux Père-Noël, un jeune Père-Noël, un Père-Noël matelot, etc. un peu comme des personnages de bande-dessinée. J’avais agrafé des élastiques sur les côtés : en les glissant autour des oreilles, on pouvait donc porter le masque. C’était très beau mais je trouvais que ça donnait des têtes un peu cylindriques. En fait, je préfère la version avec un bâton fixé à l’arrière du masque, qui permet de le tenir devant le visage – ce que nous avons fait pour ton spectacle. Ainsi, les visages apparaissent moins déformés.

"Les ailes de l'amour" m.e.s. Catherine Richon / masques Karin Crona 2016

Pour Les ailes de l’amour, je t’ai laissé la liberté des sujets, puisqu’il s’agissait d’une scène de bal masqué. Où es-tu allée chercher ton inspiration ?

Pour cette pièce, mon idée était de faire des masques très différents. Pour certains, j’ai cherché des images sur internet et je m’en suis inspirée. Par exemple j’ai tapé « Las Vegas Dancer », j’ai trouvé une image et j’ai réalisé ce masque qui rappelle une danseuse de cabaret. D’autres masques sont sortis tout droit de mon imagination, ce qui a pu donner des choses plus fantaisistes, comme ce visage-corbeille de fruits. Pour les visages de Roméo et de Juliette, j’ai opté pour un style plus réaliste, inspiré de peintures que j’ai vues au Louvre. Mon objectif était de me rapprocher d’une certaine vision historique des personnages de Shakespeare.


Les ados qui ont joué dans le spectacle m’ont fait remarquer que les masques étaient un peu effrayants.

C’est vrai que j’aime bien les univers un peu inquiétants… Un masque est de toute façon très fort, il prend possession de la personne qui le porte, l’amène à faire des choses qu’elle ne ferait pas à visage découvert. C’est ça que j’aime bien et du coup, si mes masques sont effrayants, ils vont pousser les gens à oser plus de choses.


Je l’ai constaté avec mes comédiens ! Comme en plus tes masques sont très grands, les ados étaient vraiment cachés derrière. Cachés donc protégés, donc libres de s’exprimer pleinement avec le reste du corps.

J’aime bien faire des masques très grands parce que ça joue avec les proportions du corps. Ça ajoute un petit côté encore plus irréel qui me plaît beaucoup.


Je t’ai connue d’abord comme photographe : tu m’avais montré ta série d’autoportraits, tu réalises souvent des photo-reportages. Récemment, tu t’es mise à la photographie de plateau – tu as fait de superbes photos de ma dernière création… Mais tu es aussi une illustratrice très douée.

J’aime dessiner. J’ai fait une formation en Arts Déco il y a longtemps : dessiner fait non seulement partie de mes compétences mais j’y trouve surtout une liberté autre que dans la photographie. Avec mes pinceaux, je ne cherche pas à coller à la réalité, c’est ça qui me plaît. Quant au masque, c’est un peu le prolongement naturel de mes expérimentations avec l’autoportrait. Il m’était arrivé de faire des essais avec des photos que j’avais découpées pour en faire des masques.


Quelles applications peut-on trouver pour tes masques ? On a vu qu’au théâtre, ils fonctionnent très bien. Tu leur imagines d’autres utilisations ?

Un jour j’ai voulu faire un petit happening à l’occasion du vernissage d’une de mes expos : en plus de mes photos, j’avais apporté des masques que j’avais créés la veille, assez rapidement d’ailleurs, juste pour le fun et finalement ils ont eu beaucoup de succès. Les gens aimaient bien se prendre en photo avec ces masques. J’ai vu qu’ils donnaient envie aux gens de jouer avec. Certains sont même partis avec les masques, sans se rendre compte qu’ils emportaient des pièces uniques… J’ai renouvelé l’expérience et ça marche toujours très bien. J’ai commencé à aller au Louvre ; je prends des peintures en photo et je les traduis en masques. Mon rêve serait de faire poser des gens au Louvre, un masque sur le visage, à côté de l’œuvre inspiratrice.


Où peut-on voir tes créations ?

J’ai un Instagram où je présente les masques que je réalise au fil du temps. J’espère que ça va provoquer des rencontres. Je pense qu’on peut toujours inventer une raison de fabriquer des masques. L’important c’est qu’ils soient beaux et qu’ils donnent envie de s’amuser avec.


Propos recueillis par Catherine Richon le 31 mai 2016

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