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Du carnaval et des clowns

RIDI PAGLIACCIO… Un mois de carnaval, six défilés, des semaines de préparation pour ce qui me concerne, des mois pour les constructeurs du char ! C'était la septième fois que je participais au carnaval de Viareggio, en Toscane. Le fameux carnaval de Viareggio - celui dont je n'avais jamais entendu parler avant de rencontrer Benjamin Balthazar Lebigre en 2015 ! Mais le plus grand carnaval d'Europe quand même ! Depuis que Benjamin et moi travaillons ensemble (notre toute première collaboration consistait justement à inventer une chorégraphie pour le carnaval, en 2017...), je me rends chaque année sur place, au moins pour assister à quelques défilés et, depuis 2019, pour donner parfois des stages aux équipes de la Compagnia del Carnevale. Ah oui, rappelons que Benjamin est le fils du mythique couple de carnavaliers ("carristi" on dit, là-bas) Gilbert LEBIGRE et Corinne ROGER. Autant dire qu'il est tombé dans la potion quand il était tout petit. Aujourd'hui Gilbert n'est plus, et Corinne poursuit l'aventure du carnaval avec une équipe de constructeurs, dont ses trois enfants, Elodie, Sebastian et Benjamin donc. Et pour les accompagner et défiler avec le char de première catégorie qu'ils fabriquent chaque année, il y a La Compagnia del Carnvevale ! Presque 200 personnes, habitantes de Viareggio et des environs, de tous âges et de tous horizons, réunis par la même passion du carnaval !

Cette année fut particulière. D'une part, le char allait parler des clowns et alors Benjamin a désiré que Jean Méningault et moi-même imaginions et préparions les spectacles avec lui, d'autant plus que la compagnie tenterait cette année un nouveau mode de fonctionnement : brisant la division entre "danseurs" et "acteurs", tous les participants seraient des "clowns" et les "chorégraphies" qui accompagnaient naguère le char deviendraient des "scènes", jouées donc, et aussi avec des moments improvisés et beaucoup d'interaction avec le public, clown oblige.

Jean Méningault a déjà collaboré souvent avec la compagnie et Benjamin apprécie particulièrement sa pédagogie du clown. Quant à moi, je suis le duo clownesque de Benjamin alors ma présence était quasi naturelle, surtout parce que nous ne considérons pas que nous savons ce qu'est le clown et que cette expérience du clown en meute gigantesque allait forcément être mémorable !

Le jeu n'était pas gagné d'avance. Le temps est toujours compté durant la préparation du carnaval. D'abord il y a le char à construire. Il faut aller voir les photos, les vidéos, et même plutôt, il faut venir assister à un défilé pour réaliser ce qu'est un char au carnaval de Viareggio. 13 mètres de haut, 7 mètres de large. Des armatures en métal, du papier-mâché, de la peinture. Une véritable petite usine qui tourne à plein pendant plus de trois mois. Les répétitions ne peuvent avoir lieu que le soir et le week-end : les participants sont amateurs et n'ont pas tout leur temps à disposition.


Il allait falloir former à l'art du clown tout un groupe de gens plus ou moins aguerris à la comédie, et même au carnaval (certains venaient à peine de rejoindre la compagnie). Et surtout, il allait falloir inventer comment l'élan clownesque allait pourvoir se traduire dans un contexte de carnaval, avec 200 clowns et pas moins de cent mille spectateurs ! Ajoutons à cela que nous avons laissé tomber pour l'occasion la création de costumes par une professionnelle et que nous avons proposé à chacun d'inventer son propre costume, auquel nous avons ajouté une touche de rayures colorées communes pour unifier plus ou moins le rendu visuel. Le pari était osé.

La belle chose avec cette aventure merveilleuse, c'est qu'elle se passe au sein d'un véritable petit nid d'amour qu'est la famille Lebigre & Roger. Tant d'ondes positives déteignent sur toute la compagnie et c'est assez exceptionnel de voir autant de belles âmes promptes à donner le meilleur d'elles-mêmes toujours avec le sourire. De la gentillesse partout, aussi bien dans le hangar de construction du char que durant les répétitions, que durant les séances d'enregistrement des voix pour la bande-sonore. Oui, car à la Compagnia del Carnevale, on fait tout. C'est Stefano Florio qui réalise la bande-son, nous qui faisons les petits ajouts de voix (c'est très rigolo), et Luca Bassanese, grand chanteur populaire italien au chapeau noir, qui crée chaque année une chanson spécialement pour le char et vient chanter en direct au moment du carnaval ! Quel plaisir, quel honneur vraiment, d'avoir été invitée à collaborer avec une telle équipe magnifique !

Et alors nous avons inventé 7 scènes : "la guerre", "l'écologie", "les droits humains", "la cult-ture", "le pouvoir", "la santé", et "Ridi Pagliaccio". Ridi Pagliaccio, le titre de ce char. "Ris donc, le clown". Plus que transmettre l'art d'être clowns à tout un groupe, je dirais que nous avons cherché ensemble comment le clown pourrait profiter de l'énergie du carnaval. Et je dois dire que... ce fut plutôt facile ! D'accord nous avions peu de temps mais, grâce à l'implication sans faille des membres de la compagnie, nous avons réussi à planter quelques grands principes, comme être à la fois sincères à l'intérieur et exagérés à l'extérieur, être à la fois soi-même avec son propre rythme, ses propres obsessions, et partie d'un grand tout. Et puis le clown, comme on sait, c'est la relation au public. Casser le quatrième mur, atteindre les spectateurs, les prendre en compte, les inclure : sur scène, ça n'est pas si simple. Mais au carnaval, ah, cela devient tout naturel et c'est même parfaitement bienvenu ! Et que dire du nombre ? Etre clown en solo c'est beau, en duo, c'est fantastique, mais à deux cents ? De la masse de nez rouges en liberté le clown n'a aucun mal à exister de lui-même. La belle leçon de cette expérience c'est que le clown a beaucoup à apprendre du carnaval !

Quels défilés incroyables ! Nous avons pu vivre toutes les émotions à fond, nous avons pu les partager, nous avons pu bousculer le public, l'embrasser, nous reposer, repartir encore plus à fond. Nous avons été beaux. Le public nous a adorés. Plusieurs fois, même hors défilé mais avec mon costume, on m'a arrêtée "sei bella - ti adoro". Euh, jamais on ne me dit ça à Paris...

Sans aucun doute les chouchous du public. Quelle aventure ! Quelle victoire ! Je suis tellement heureuse, tellement chanceuse d'avoir pu participr à ce chef-d'oeuvre. Ridi Pagliaccio de la famille Lebigre & Roger. Grandiose. Merveilleux. Unique. Merci !



Et appréciez le char en mouvement : https://youtu.be/-57kzeo415Y


Viva il carnevale !

Photo Linda Nari Photography


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"𝐑𝐢𝐝𝐢 𝐏𝐚𝐠𝐥𝐢𝐚𝐜𝐜𝐢𝐨, o l'arte di prendersi seriamente sul serio" (Ris donc, le clown, ou l'art de se prendre sérieusement au sérieux)

Char de première catégorie de la famille Lebigre & Roger - Carnaval de Viareggio


Dans une loge imaginaire, un clown se prépare pour le spectacle. Il se regarde dans le miroir, mais en réalité il regarde au-delà de son propre visage. Va-t-il nous faire rire cette fois aussi, ou va-t-il rire du cirque qu’est devenu notre monde ? L'ironie et la satire sont notre miroir et le Carnaval de Viareggio, qui fêtait cette année ses 150 ans, nous montre que le rire est le meilleur moyen de vivre dans ce monde tragique.



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